vendredi, février 08, 2008

Monsieur Mono - La beauté de la tristesse

















Ça y est. Éric Goulet, vêtu de la cape de son alter ego Monsieur Mono, vient de nous refaire le coup. Le coup de l'album si sombre qu'il fait du bien. L'album qui combat le feu par le feu, qui noie nos peines dans la grisaille. Trois ans après avoir lancé Pleurer la mer morte, le leader du groupe Les Chiens renoue avec son projet solo en nous offrant le bien-nommé Petite musique de pluie, «un exercice sur la beauté». La beauté de la tristesse, oserait-on.

Oui, Goulet nous refait le coup, mais avec une approche différente et un peu paradoxale. D'un côté, Monsieur Mono se tourne davantage vers l'électronique, les claviers, les boîtes à rythmes, les sons synthétiques, d'où ce musicien-robot sur la couverture. De l'autre, il a ajouté à ses chansons un gros paquet de cordes, jouées par un quatuor d'humains en chair et en os et enregistrées dans une petite église de Rivière-des-Prairies. «J'ai essayé de faire un travail au niveau des textures, de mélanger des univers, explique Goulet. Je voulais que ça soit le même type de chansons, de propos, mais traité différemment.»
Le type Mono
Le type Mono, c'est de la musique simple, intimiste, sensible, chantée doucement et faite en solitaire, «sur le ton de la confidence». Goulet cite ses modèles du moment: Nick Cave, Sparklehorse et Lisa Germano. Le type Mono, c'est aussi des paroles sombres qui parlent d'amour ou plutôt de son absence ou de ses aléas. «Dans une relation, il y a des hauts et des bas. Moi, mon terreau, c'est les bas!», rigole Goulet, qui a déjà travaillé avec Yann Perreau, WD-40, Vincent Vallières et Alexandre Champigny.

Pleurer la mer morte, écoulé à plus de 3000 exemplaires -- davantage qu'aucun album des Chiens --, avait été produit de manière indépendante par Éric Goulet, avec 1000 $. Maintenant, c'est sous l'aile bienveillante d'Audiogram -- et avec un budget 20 fois plus élevé -- qu'il a pu travailler. Et ce n'est pas un mince changement. «C'est un stress de moins quand tu n'es pas obligé de gérer le budget», assure le musicien, qui compte déjà 21 ans de carrière. «J'aurais pu faire un deuxième Monsieur Mono avec les mêmes méthodes qu'avant, mais il aurait fallu que je tricote plus, que je sollicite des gratuités, que je fasse les choses à temps perdu. Là, j'avais les moyens de prendre du recul. Et c'est le plus grand luxe quand tu fais un album.»
La beauté
Petite musique de pluie n'a donc pas été créé dans le même contexte que son prédécesseur, mais on y retrouve quand même plusieurs éléments clés. Une certaine concision (environ 42 minutes), des pièces instrumentales, une reprise (L'Espace d'une fille, un vieux titre méconnu de Jacques Dutronc) et un duo avec une voix de femme. Après Mara Tremblay, c'est maintenant Ariane Moffatt qu'on peut entendre aux côtés de Monsieur Mono sur la très belle Comme en temps de guerre. «J'essaie de brasser les cartes, mais avec le même paquet», rigole ce passionné d'histoire.

Pour son premier effort, Monsieur Mono déclarait, avec un brin d'humour, qu'il avait voulu faire «l'album le plus triste du monde entier». Petite musique de pluie «est plus un exercice de beauté qu'un exercice de tristesse. C'était important qu'il y ait une profondeur, une grandeur, quelque chose de plus large, d'enveloppant, mais que ça reste réconfortant».

Pochette
Ce souci de beauté se retrouve jusque dans la pochette de carton que son ami artiste et graphiste Simon Bossé a brillamment illustrée. Dans un contexte où les gens achètent moins de disques, il faut leur offrir un objet qui en vaut la peine, qu'ils auront envie de posséder, résume Éric Goulet, un nostalgique avoué du vinyle. «La pochette en carton, c'est quelque chose à quoi je tiens. Il y a quelque chose d'organique, de plus chaleureux.»

À propos de chaleur, pourquoi lancer un album de ce genre deux jours avant la Saint-Valentin? «Ah! ça, c'est mon petit clin d'oeil. Il y a plein de gens qui m'ont dit que Pleurer la mer morte les avait sauvés de leur peine d'amour. Alors, je le fais pour ceux qui sont tout seuls. Ils vont se sentir compris.»
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Paru dans Le Devoir du 8 février.
Photo du haut: Josée Lecompte. Photo du bas: Quartier libre.