Mal de vivre, soif de party
Le Temps au point mort
Galaxie 500, C4 - Dep
Amateurs de rock, vous souvenez-vous toujours de Galaxie 500? Nommé en l'honneur de ce bolide tout en puissance créé par Ford, c'est le nom de la formation du guitariste Olivier Langevin, réalisateur émérite et musicien hors pair. L'arrivée cette semaine du Temps au point mort, le second album de son groupe, a créé un petit trou noir dans la salle de rédaction du Devoir. Tous les collègues mélomanes étaient inévitablement attirés par l'objet et sa splendide pochette signée Martin Bureau. «Pis, c'est-tu bon?» Oui, vraiment.
C'est à croire que tout ce que touche Langevin se transforme en or. Il n'y a qu'à penser à ses collaborations avec Mara Tremblay, Mononc' Serge et Fred Fortin, sans oublier le premier album éponyme de Galaxie 500, où les pièces étaient encore plus rutilantes qu'un gros V8 pétaradant. «Du gros rock sale», y chantait le gars de Saint-Félicien. Sur Le Temps au point mort, c'est par contre un univers transformé auquel le public aura droit. Si on retrouve sur plusieurs pièces une énergie mieux maîtrisée (Big Bang, Chuck Berry, Eeehhh!!!), Langevin s'est aussi permis de nous déstabiliser en concoctant de superbes mélodies planantes, dont la touchante Nuages à boire.
La clé de la chose, c'est peut-être la formation elle-même. Pour enregistrer ses chansons, le musicien de 27 ans s'est entouré de Fred Fortin (cette fois-ci à la basse), de Dan Thouin et de François Lafontaine (Karkwa) aux claviers et d'Alain Bergé et Pierre Fortin (Les Dales Hawerchuck) aux tambours. Pour les spectacles à venir, Vincent Peak, le chanteur et bassiste de feu Groovy Aardvark, se joindra même à la bande.
Des textes plus travaillés
«Quand j'ai commencé à travailler sur cet album-là, je venais de finir plein de projets de réalisation. J'étais à plat, nous confie le sympathique rouquin. Ça m'a pris du temps avant d'être capable d'écrire de nouvelles chansons, de me remettre dans mon univers à moi, pour éviter de refaire ce que j'ai fait avec Fred Fortin.» Quand on lui expose qu'à notre avis, l'ambiance de son album ressemble justement beaucoup à celle de Planter le décor, Langevin hausse les épaules. «J'étais responsable de certaines ambiances sur son album, ça reste moi qui joue. Mais on se connaît depuis tellement longtemps qu'on a les mêmes intonations, on dit les mêmes niaiseries! Et si on ne compose pas de la même manière, on se rejoint. C'est inévitable et c'est tant mieux.»
Plutôt approximatifs sur le premier Galaxie 500 - et c'était bien ainsi -, les textes du Temps au point mort ont beaucoup gagné en profondeur. «Avant, je ne me cassais pas la tête avec ça. Mais là, j'y ai mis beaucoup d'énergie, et ça donne plus d'ampleur à mes pièces. Le texte peut maintenant rivaliser en qualité avec la musique.» Si on fait abstraction des «tounes de party», Langevin traite du mal de vivre, de la détresse, voire de la mort. «Y a rien que l'amour qui peut / mais encore là des fois / y a rien que la mort qui pourrait / libérer c'que j'ai en dedans» (Nouvelle 1). «Autour de moi, c'est omniprésent, le monde devient fou, prend des pilules, tombe en dépression. Ça me fait halluciner.» Quand Le Devoir, un peu inquiet, lui demande si lui-même broie du noir, Langevin se fait rassurant. «Tout ça, c'est ce que je gobe, ce qui m'entoure, pas nécessairement ce que je vis. Moi, tout ce que ça me prend le matin, c'est un bon café pis ma section des sports. Avec ça, je suis ben content!»
Publié par Philippe Papineau dans Le Devoir du 21 avril 2006