vendredi, avril 20, 2007

Jacquemort: Vian dans les dents















Thomas Augustin est un peu fou. Le claviériste de la formation Malajube rentre à peine d'une longue tournée qui l'a mené, lui et sa bande, aux États-Unis, en Europe et un peu partout au Canada, et le voilà qui profite de ses précieux jours de congé pour... travailler. Son autre formation, nommée Jacquemort, profite en effet d'un des rares moments de répit d'Augustin pour lancer son premier mini-album, intitulé Dent de lait.
Le quatuor Jacquemort est né il y a plusieurs années entre les murs d'un appartement d'Hochelaga-Maisonneuve, où ont vécu Thomas, Julien Michalak, Nelly-Belle Estriac et Julien Bakvis, les membres du groupe. «On a tous déjà été colocataires à un moment ou à un autre, et on y faisait de la musique, explique Augustin au bout du fil. On avait rebaptisé l'endroit le Saint-Bordel! C'était une ancienne maison de passe, coin Préfontaine et Sainte-Catherine, les murs transpiraient le vice et la racaille. Ça nous inspirait pas mal!»
Dans Jacquemort -- dont le nom est inspiré du personnage de L'Arrache-Coeur de Boris Vian --, Thomas joue un rôle bien différent que dans Malajube. Non seulement il chante et écrit les textes, il tient aussi la basse, délaissant les claviers au profit de Nelly-Belle, qu'Augustin couvre d'éloges, tout comme ses autres musiciens. «Par leurs personnalités musicales, ils m'inspirent beaucoup, ils me donnent des idées. Et ils sont meilleurs que moi, je le répète souvent!»
La présence de Thomas dans Jacquemort n'en fait pas une copie carbone de Malajube mais plutôt un parent éloigné. Même paradigme pop-rock à saveur indie, mais aux allures plus prog et aux compositions plus complexes. «C'est pas de la musique simple, y a du travail sur ces cinq morceaux-là, avoue Augustin. On aime ça, compliquer les affaires, on essaie de pousser les pièces beaucoup plus loin que la structure couplet-refrain-couplet-refrain à trois accords faciles.» Et le résultat est impressionnant, particulièrement sur Biscuit chinois (leur succès Myspace) et sur Coeur saignant, jouissif morceau qui progresse en montagnes russes pour se conclure par un crescendo jubilatoire.

Destins croisés
Si la musique sur Dent de lait est assez rythmée et ne manque pas de mordant, les textes, eux, ne sont pas très ensoleillés. «Les yeux rougis, les tremblements sur les mains / La nuit a laissé un souvenir incertain / Je suis parti sans te donner la main» (Feu follet). «La plupart des textes ont été écrits dans la période où je me détachais de tout ce que j'avais à Montréal pour partir en tournée avec Malajube, raconte le chanteur. C'était une période où je me rendais compte que ma vie allait complètement changer, que j'avais une nouvelle famille: les quatre autres gars du band.»
Le rythme de croisière de Jacquemort est d'ailleurs inversement proportionnel à celui de Malajube. Et comme Malajube file à vitesse grand V... «J'aurais préféré faire l'enregistrement d'un seul trait, ç'aurait été plus efficace et le groupe irait mieux si on était là-dessus à temps plein, affirme Thomas. Mais on a bien réussi malgré les contraintes d'horaires, et le groupe comprend.»
Après avoir parcouru 25 États américains, fait la première partie d'Arcade Fire à l'Olympia de Paris et vendu près de 25 000 exemplaires de Trompe-l'oeil, Augustin n'est pas fâché d'évoluer à plus petite échelle avec Jacquemort. «Ça s'est passé tellement vite avec Malajube, on est devenus gros quand même vite... Là, revenir un peu en arrière, faire un lancement à la Salla Rossa, avoir fait un EP de cinq titres sans avoir la prétention d'en vendre des milliers, c'est agréable et c'est moins stressant. Si seulement y avait pas cette basse à accorder entre chaque toune!» Faut croire qu'il y a un revers à toute bonne chose...

Philippe Papineau - Paru dans Le Devoir du 20 avril 2007

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Dent de lait
Jacquemort
Grosse Boîte