vendredi, août 31, 2007

Alexandre Champigny brise la glace

En cette rentrée automnale, toute une bande de musiciens francophones au son pop électro éclaté mais ô combien rafraîchissant offrira au public québécois le fruit de son dur labeur. Avant même que Le Husky, Jérôme Minière, Geneviève et Mathieu ainsi que Navet Confit ne déposent leurs disques dans les bacs, ce sera le nouveau venu Alexandre Champigny qui brisera la glace avec son premier disque solo, Budda ciné roll. Et disons d'emblée qu'il n'a pas à rougir devant ses prédécesseurs.


Alexandre Champigny, 31 ans, s'est surtout fait connaître dans les officines de la scène locale par son groupe Les Trompe-l'oeil, qui a connu un succès relatif sur les ondes des radios les plus audacieuses en 2005. Deux ans plus tard, c'est en solo qu'il revient nous livrer sa musique, par la grande porte d'Audiogram (Pierre Lapointe, Ariane Moffatt, Daniel Bélanger, Loco Locass), aidé à la réalisation par Éric Goulet (Les Chiens, Monsieur Mono).

C'est donc un saut de géant pour ce grand bonhomme un peu mystérieux, qui répond aux questions sans empressement mais sans banalité non plus. À l'image de sa musique, quoi. Champigny, diplômé universitaire en guitare be-bop et en danse contemporaine, a cuisiné sur Budda ciné roll une musique pop chargée, à saveur électronique, quelque part entre l'éclectisme du LP1 de son ami Navet Confit, les textures de Dumas, les pièces les moins rock de Mellon Collie and the Infinite Sadness des Smashing Pumpkins et les structures libres d'un vieil album de Genesis. Lui cite plutôt Beck, Syd Barrett et Jean Leloup. Mélangez dans un grand bol, et voilà le travail.

Avec des allures parfois nonchalantes et des refrains souvent accrocheurs, les 12 titres s'appuient essentiellement sur la guitare et les claviers tout en étant également ponctués par la présence de quelques cuivres et d'un quatuor à cordes. «J'ai fait les arrangements de cordes moi-même, je trippe vraiment sur l'orchestration. Pour ça, l'école a servi», explique Champigny, critiquant au passage le fait que la formation universitaire ne mette pas du tout l'accent sur la créativité.

D'entrée de jeu, il nous parle d'Alain Goraguer, arrangeur français qui a travaillé avec les plus grands, dont Serge Gainsbourg et Boris Vian. Et à propos de Vian, Champigny a mis en musique le texte Avec ton sourire, avec l'approbation de la succession du joueur de «trompinette». «Le texte a bien vieilli, assure le musicien, qui roule sa bosse depuis une quinzaine d'années. Souvent, il faisait des textes franchouillards, style "Paris 1950", mais celui-là est très universel, c'est une histoire d'amour nostalgique.»

Quand vient le temps de discuter de son écriture, Alexandre Champigny prend davantage son temps pour répondre, n'hésitant pas à faire des pauses de plusieurs secondes de réflexion. «C'est beaucoup des rêveries, des personnages, quelques histoires de relations gars-filles. Il y a aussi un certain mysticisme.» Mysticisme? «Dans ma vie, j'ai été beaucoup influencé par les cultures spirituelles de l'Orient, confie le chanteur. On retrouve peut-être ça au niveau de la perspective, de l'endroit où je place le narrateur dans l'histoire. Il y a des émotions qui passent, mais il y a aussi un côté observation, comme dans le bouddhisme, un côté "absence de désir".»
On peut dire sans se tromper que l'approche a quelque chose d'audacieux. Champigny le sait, mais il ne s'en fait pas. «Pendant un certain temps, au Québec, c'était impossible d'essayer des choses: tout le monde voulait jouer safe. Mais aujourd'hui, y a plus d'ouverture pour une musique éclatée, ça fait du bien.» Il cite au passage Les Amis au Pakistan, Otarie, Les Anne Geddes et même le dernier disque de Jean Leloup. «Je trouve ça plaisant d'amener des propositions inattendues et de les mettre ensemble pour voir ce que ça va donner. Ce que j'aime, c'est beaucoup l'exploration.» Décollage le 4 septembre!

***