vendredi, octobre 19, 2007

Ghislain Poirier - De l'art de faire rebondir en cadence

Après une dizaine d'années à propulser ses rythmes bien gras dans les clubs du Québec et dans ceux d'un peu partout sur la planète, le DJ montréalais Ghislain Poirier est au sommet de sa forme. Il lançait cette semaine un sixième album, No Ground Under, paru sur l'étiquette réputée Ninja Tunes.

Au bout du fil, Ghislain Poirier est à Innsbruck, en Autriche, en plein milieu d'une tournée européenne de dix concerts en onze soirs, en compagnie de Sixtoo. Le barbu à la voix grave et au rire contagieux est un habitué des voyages outre-mer, mais il avoue que ce trajet est son plus long en terre européenne à ce jour. «C'est surtout la première fois que je viens faire une tournée live avec mon batteur en Europe. Ça demande un peu plus d'organisation mais c'est vraiment plus gratifiant. Idéalement, je viendrais avec un MC, mais je ne suis pas encore rendu là, je n'ai pas encore le pouvoir de faire ça!»

Ça ne saurait tarder, pourrait-on se risquer. Car ce DJ atypique, qui a gardé son nom au lieu de le troquer pour un pseudonyme quelconque, compose des pièces musicales hyper accrocheuses où la basse et les rythmes rebondissants prédominent et où se croisent plusieurs interprètes, plusieurs langues et plusieurs styles, du hip-hop au techno en passant par les musiques du monde. Ses soirées «Bounce le gros» (autrement dit: grouille ton postérieur, jeune homme) sont désormais célèbres, quoique le concept soit enterré pour le moment. Bref, le succès est à sa porte.

Rebâtir des sons
S'il ne joue d'aucun instrument, Poirier, bien installé dans son sous-sol, fabrique lui-même ses propres lignes rythmiques. «J'utilise l'échantillonnage de son au lieu de l'échantillonnage de séquences. Je repique un peu de tout, des vieux CD dub, reggae, soul, funk, et je les rebâtis, explique-t-il. Souvent, avant même de composer la musique, je me fais de grandes banques de sons et, après, je regarde ceux qui vont bien ensemble. C'est comme des couleurs pour un peintre.»

Du propre aveu de ce musicien prolifique -- qui s'est entre autres fait connaître grâce à ses versions remixées de Lady Sovereign, de The Editors et même de Pierre Lapointe --, No Ground Under est plus rapide que les disques précédents. «J'ai voulu le faire plus dansant, je voulais accélérer les BPM. Je voulais pouvoir être capable de faire jouer au moins cinq pièces de cet album-là dans mes soirées de DJ tout en essayant de construire quelque chose qui s'écoute aussi en CD.» La clé, explique Poirier, c'est l'ordre des chansons, la façon de doser les pièces plus tranquilles et celles conçues pour la piste de danse.

En nomination au prochain gala de l'ADISQ, Poirier a invité des rappeurs à venir colorer de leur voix neuf des quatorze titres de No Ground Under. Comme c'est souvent le cas, il a travaillé avec Omnikrom mais également avec Face-T, de Kulcha Connection, Nik Myo et Abdominal, pour ne nommer qu'eux.

Toutefois, que ces noms vous disent quelque chose ou non, Ghislain Poirier croit que sa musique peut atteindre un vaste public. D'ailleurs, il a récemment créé un indicatif sonore pour le volet Internet de Radio-Canada, qu'on entend régulièrement à la télévision. «Je n'ai jamais cru à la ghettoïsation de la musique. J'ai toujours donné une chance aux gens d'embarquer dans ce que je fais, même s'ils ne connaissent pas le contexte dans lequel ç'a été créé, même s'ils ne connaissent pas le vocabulaire pour le définir. La musique, c'est de la musique, et si on enlève l'attitude derrière ça et qu'on dit: "tu peux le prendre et l'aimer", je pense que ça peut marcher.»