L'histoire d'El Motor est celle, attachante, d'un groupe montréalais qui s'est éteint lentement jusqu'à la disparition presque totale et qui renaît de ses cendres aujourd'hui. Oui, El Motor, c'est l'histoire du phénix, du drôle d'oiseau que fut la formation pop-rock Trémolo qui, après deux albums parus en 1999 et 2002, revient la semaine prochaine avec un nouveau nom, de nouveaux musiciens et un nouvel album.
De Trémolo, il reste quand même quelques particules élémentaires, soit le chanteur Pierre-Alexandre Bouchard, le guitariste et claviériste Frédéric Boivin et le bassiste Guillaume Devin-Duclos, embarqué tardivement dans l'aventure. Ensemble, ils ont traversé ce qu'ils appellent leurs années «brunes». «La période après notre deuxième disque, Romantisme hermétique, a été difficile, raconte Pierre-Alexandre. On n'avait pas d'équipe, pas d'argent, rien. Quand tu travailles fort et que t'as l'impression de donner des coups d'épée dans l'eau, c'est pas évident.»
Le groupe perd des membres, le moral est bas, mais heureusement, les années brunes passent (tempus fugit, comme disent les Chinois) et le noyau de musiciens réussit à créer de nouvelles pièces à la hauteur de ses attentes. «On a eu envie de changer de nom de groupe pour faire une coupure avec le passé, avec toutes les bibittes qu'on avait!», rigole Guillaume. De là est né El Motor, l'anagramme de Trémolo.
Du changement dans la continuité, scandait le politicien. Au trio de base se sont ajoutés le batteur Pascal Gingras (Mononc' Serge, Caïman Fu, Afrodizz) et le réalisateur Alexis Dufresne (Daniel Lavoie, Steve Hill), qui a fini par devenir le cinquième cylindre du moteur. Le quintet enregistre un démo de quatre titres qui le propulse au sommet des radios alternatives et lui permet de trouver une maison de disques, Véga Musique.
D'un point de vue musical, El Motor rompt avec l'esprit électronique qui planait au-dessus de l'ancienne formation. Il livre aujourd'hui une pop-rock puissamment mélodique, accompagnée d'injections de guitares électriques, de légères bourrasques de claviers, et bercée par des voix parfois haut perchées, légèrement éraillées. Quelque part entre Radiohead, Malajube, Karkwa, The Editors et Interpol.
Des images et des personnages
Les chansons d'El Motor sont bourrées d'images, d'animaux, de double sens. Des fables un peu fantastiques, quoi. «Il y a beaucoup de personnages, confie Pierre-Alexandre, qui écrit les textes. Il y a des bonhommes qui traînent partout sur les pages de mes cahiers. Alors, souvent, les pièces sont d'abord des dessins et des musiques, puis des mots et des musiques. Ça finit par habiter les chansons.»
À propos de curiosité, El Motor a emprunté pour ce premier album le texte Hippocampe au poète Patrice Desbiens, qui a entre autres collaboré avec René Lussier pour Le Trésor de la langue et qui a écrit La Caissière populaire, reprise par Richard Desjardins. «Je jouais ce riff dans mon salon en tournant les pages du recueil de Desbiens, et quand je suis tombé sur Hippocampe, ça s'est marié comme ça n'arrive pas souvent», raconte Pierre-Alexandre en refermant ses mains l'une sur l'autre.
Les cinq membres d'El Motor se sont faits plutôt discrets sur les scènes de la province, exception faite de leur passage aux FrancoFolies cet été. Ils remédieront à la situation le 5 novembre au Cabaret du Musée Juste pour rire, dans le cadre du Coup de coeur francophone. Une douzaine de huards vous seront demandés. Pièces et main-d'oeuvre comprises.