dimanche, novembre 02, 2008

Avec pas d'casque : langueur et bonheur en cinémascope
















Prenez les guitares acoustique et slide d'Hank Williams, les trois cinquièmes de sa tristesse, enlevez les violons, ajoutez-y une goutte de folk, une batterie discrète, la voix un peu croche d'un jeune Beck et des textes magnifiques qui défilent comme de vieilles diapositives, et vous obtiendrez grosso modo l'essence du trio Avec pas d'casque, qui lançait cette semaine son deuxième album, Dans la nature jusqu'au cou.

Si ce nouvel album paru sur étiquette Grosse Boîte (Tricot Machine, Coeur de pirate, Le Husky), reste dans la même veine «fait maison» que leur précédent, Trois chaudières de sang, Stéphane Lafleur, Joël Vaudreuil et le nouveau venu Nicolas Moussette offrent ici un disque mieux enregistré, aux instrumentations plus variées et, à leurs propres dires, un peu moins déprimant.

Parce qu'il y a dans le country-folk un peu bric-à-brac des trois barbus d'Avec pas d'casque une langueur, une mélancolie omniprésente, contrebalancée sur Dans la nature jusqu'au cou par quelques rayons de soleil, par un petit côté feu de camp, illustré dans son extrême par L'Amour passe à travers le linge, un morceau jubilatoire à chanter très fort, de préférence sous la douche ou dans la voiture à l'heure de pointe.

«L'Amour passe à travers le linge vient de Francis Mineau, de Malajube. Il était venu nous voir en show et nous avait dit: "C'est bon ce que vous faites, mais c'est tellement déprimant!", se rappelle en riant Stéphane Lafleur, qui a par ailleurs réalisé Continental, un film sans fusil. «Mais sur cet album, même s'il y a des affaires tristes, il y a quand même de la rédemption, comme sur Un nez qui saigne ou Apaiser le singe. Y'a du monde qui ne sont plus ensemble, mais qui essaient de se retrouver.»

Un peu de cinéma
Avec les onze titres de Dans la nature jusqu'au cou, Stéphane Lafleur confirme sa place parmi les plumes les plus belles et les plus pertinentes de la province. À des kilomètres des petites histoires d'amour racontées au «je», le musicien et cinéaste ne dit pas les choses, il les illustre en faisant des collages de phrases et d'images. Il puise dans une réalité québécoise qui ne porte pas de chemise à carreaux, et évoque des sentiments qui n'ont pas envie d'être exceptionnels. Des émotions sans arcs-en-ciel, des émotions comme on les vit.

Du genre? Un extrait de Spirographe. «Inondation superbe / catastrophe de beauté / du filage plein la tête / spirographe déchaîné / retailles de tempête / j'ai bâti un abri / cabane de lumière / je vais t'attendre ici.»

«C'est comme du montage, avoue Lafleur. C'est l'fun, la collision des idées, de mettre deux images côte à côte pour voir si ça en donne une troisième. C'est plus ça qui m'intéresse que d'écrire des histoires linéaires.»

Plusieurs textes sont nés à partir des images que le batteur Joël Vaudreuil avait envoyées à Lafleur, tout comme certaines illustrations proviennent des textes. «Le dessin de la pochette, je l'ai depuis un an, et c'est seulement après que j'ai écrit la toune Spirographe. Sinon, je n'ai souvent qu'une seule phrase, souvent le titre, et je brode autour de ça. Pour la chanson Si on change les équipes, ce n'est plus une revanche, par exemple, j'ai entendu des enfants dire ça dans la rue et c'est resté.»

Les trois comparses espèrent pouvoir faire un peu plus de concerts que pour leur premier album, alors que les activités du groupe avaient dû être ralenties en raison du succès du film de Stéphane Lafleur. Déjà, quelques concerts sont prévus, en doublé avec Band de garage, dont un à Saint-Hyacinthe le 7 novembre, et un autre le lendemain, dans le cadre du Coup de coeur francophone.