vendredi, juin 05, 2009

Martin Léon: Boucler la boucle, entre amis

Un soir, pendant la tournée de son plus récent disque Le Facteur vent, Martin Léon a ressenti quelque chose de spécial. Quelque chose de magique dans la forme que prenaient ses chansons en concert, polies par les arrangements du moment. Le chanteur âgé de 42 ans s'est alors dit: «Archivons, enregistrons, capturons ce moment, pour les souvenirs.»

Ce soir-là, Léon a appelé sa maison de disques. «Je leur ai dit qu'à la fin de la tournée, j'aimerais ça rentrer dans un studio, mettre un micro dans le milieu de la salle, et enregistrer le show, juste pour moi. Je voulais une photo acoustique.»

De là est né Moon Grill, lancé mardi. Mais la petite session égoïste et intime s'est plutôt transformée en deux sessions d'enregistrement au studio Piccolo, devant une poignée d'amis. «Ça faisait longtemps que j'avais cette image-là en tête, raconte un Martin Léon comblé comme un enfant qui revient de La Ronde. Un studio d'enregistrement, mes chums, avec un verre dans les mains... tripper. Ça réunit les affaires les plus importantes pour moi dans la vie.»

D'où peut-être ce petit logo sur la pochette très Blue Note de Moon Grill: «Concert en stéréocardie». «Pour moi, c'est une nouvelle façon de dire live. Stéréo, ça veut dire "Trois dimensions", en grec. Et "cardie", c'est le coeur. Stéréocardie, ça veut dire que ç'a été enregistré en présence de plein de coeurs battants, comprends-tu?», interroge Léon, comme il le faisait dans la pièce C'est ça qui est ça, qui lançait son premier disque, Kiki BBQ. «Tout le monde était relaxe, il y avait des divans, du monde assis par terre, libre de partir dans sa bulle. Ce n'était pas une prise de son devant public, c'était une prise de son en présence d'amis.»

Dans le vide
Et, pendant les 14 titres de Moon Grill, on est aspiré dans cette bulle bien soul. Les pièces, tirées de ses deux premiers disques -- à l'exception de Jules et Claire (Kingston), de son ancien groupe Ann Victor -- y prennent une ampleur surprenante, s'étirent pour les solos, s'enchaînent en douceur. Les orgues et le violoncelle enrobent le tout à merveille, et la voix de Martin Léon n'aura jamais été autant dans le mille.

Pourtant, Léon et ses cinq musiciens (Rick Haworth, Martin Lizotte, Mélanie Auclair, Alexis Dumais et Pascal Racine-Venne) avaient peu de marge de manoeuvre pour ce disque. Deux prises, un album. «J'voulais vraiment qu'on se tire dans le vide... J'voulais vraiment qu'on se tire dans le vide, insiste le chanteur. Y'avait une concentration et une électricité dans l'air qui était fabuleuse, que j'aimais, c'est celle que je voulais.»

L'équipe a choisi les meilleurs micros, les plus chaleureux, mais avec la volonté de garder le tout brut. Advienne que pourra, on gardera ce qui arrivera. En plein milieu de J'aime pas ça quand tu pleures, on peut même entendre un homme tousser. «Ce soir-là, l'émotion y était. Ghislain Luc Lavigne [le preneur de son et mixeur] m'a dit: "Veux-tu qu'on l'enlève avec un 'twistage' technologique?" J'ai dit non. Non. Laisse ça là.»

Pour l'auteur-compositeur-interprète, le lancement de Moon Grill le plonge en pleine ébullition créatrice. «Ça vient boucler une boucle, c'est comme une fin d'épisode. Ann Victor, Kiki BBQ, Le Facteur vent... La sortie de cet album-là crée un immense espace à l'intérieur de moi, confie Martin Léon. Et j'ai vraiment envie de prendre papier, crayon et guitare. Ces chansons-là, elles sont arrivées à maturité sur Moon Grill. Moi, je suis satisfait, merci, fin de l'épisode. Si elles vont plus loin que ça, ça sera quelqu'un d'autre qui le fera. Moi, je les laisse là, je pars avec mon "pack-sac", ailleurs.»