dimanche, juillet 26, 2009

Coeur de pirate: Atout coeur
























Les FrancoFolies ont annoncé une supplémentaire le 1er août à 17 h. Elle jouera donc deux fois ce jour-là.

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La 21e édition des FrancoFolies de Montréal prend son envol jeudi, entre autres avec le premier d'une série de quatre concerts donnés par la révélation Coeur de pirate. De rumeur locale il y a à peine plus d'un an, la jeune chanteuse a gravi les échelons de l'industrie musicale québécoise et française à une vitesse qui en déboussole plusieurs. Et ça ne semble encore qu'un début. Retour sur une intrigante ascension.

La musique de Béatrice Martin, alias Coeur de pirate, n'a rien de particulièrement ahurissant, ni de vraiment révolutionnaire, et ses détracteurs sont nombreux. Un échec, donc? Eh non, l'auteure-compositrice-interprète Coeur de pirate tire drôlement bien son épingle du jeu. À 20 ans et des poussières, la jeune chanteuse aux bras tatoués ne compte peut-être sa carrière qu'en mois, mais le palmarès de ses réalisations est déjà impressionnant, ne serait-ce que ses 40 000 albums vendus au Québec -- un peu plus que les 35 000 écoulés en France en un mois et demi. La question que Le Devoir s'est posée: quelle est la recette de son succès?

En 2007, alors qu'elle est encore claviériste pour la formation Bonjour Brumaire, les premières graines du projet de Béatrice Martin sont semées dans le terreau parfois très fertile qu'est le site de réseautage MySpace. C'est là que les médias de première ligne, les blogues, les Web-télés et les radios alternatives se sont nourris.

Avant que ne sorte son premier album en septembre 2008, c'est donc essentiellement grâce au bouche à oreille et à Internet que la rumeur se propage. «C'est une artiste qui n'a pas eu à apprendre le langage Internet, elle est née dedans, explique André Péloquin, le rédacteur en chef du site Bangbang.com, qui s'attarde à la musique du champ gauche. Elle a déjà son Twitter et elle sait s'en servir, elle utilise Facebook aussi, elle commente dans les blogues où on parle d'elle... Veut, veut pas, ça donne un aspect sympathique à l'entreprise, et ça encourage à en parler.»

L'ado en nous
En début de parcours comme aujourd'hui, sa voix particulière «à la Feist» et ses textes vengeurs à propos de son adolescence difficile font jaser, en bien comme en mal. Ce que détestent les uns convainc les autres. «Le commentaire le plus touchant que je reçois, c'est que ce que j'ai pu dire des problèmes qui m'affectaient quand j'avais 15 ou 16 ans a rejoint les gens de tous les âges. Il y a des mamans dans la cinquantaine qui me le disent, des trentenaires, des gens de mon âge», raconte Béatrice Martin.

Caroline Johnson, la directrice de la programmation des FrancoFolies, abonde dans le sens de la pianiste. «Les Québécois aiment ça, ce petit côté candide. Ça nous ramène à l'époque où on a vécu les mêmes problèmes qu'elle. Je l'ai vécu, ça aussi, on a tous vécu des peines d'amour qui nous arrachent le coeur

L'animatrice Catherine Pogonat, qui bosse à Espace Musique et qui anime Mange ta ville, à Artv, trace un parallèle entre Coeur de pirate et Xavier Dolan. «C'est rare qu'on entende parler de l'adolescence de façon très juste. Souvent les gens qui reviennent sur le sujet sont devenus des adultes et ont un regard un peu faussé, ou ce sont vraiment des ados, qui n'ont aucun recul. Coeur de pirate comme Xavier Dolan ont un regard encore très juste et pertinent sur ce qu'ils ont vécu.»

Après, ça passe ou ça casse. Même le journal hexagonal Ouest-France écrivait récemment de Béatrine Martin: «On aime, ou pas, ses textes pleins de bons sentiments et ses mélodies simples mais pleines de fantaisies. Certains y voient une immaturité, d'autres un vent de fraîcheur.»

Question de personnage?
Le succès de Coeur de pirate passerait aussi en partie par le look et la personnalité de l'auteure-compositrice-interprète. «Faut pas se le cacher, Coeur de pirate c'est pas révolutionnaire, c'est pas la prise 2 de l'album Funeral, d'Arcade Fire. Mais je pense que c'est le personnage qui fait que ça marche, croit André Péloquin. Une jeune fille tatouée jusqu'à l'os qui fait de la nouvelle chanson française, ça s'est rarement vu. Elle va chercher les opposés.»

Prudence, lance la principale intéressée. «Si t'as le look mais que la musique est poche, c'est sûr que ça ne marchera pas. Mais en France, par contre, les tatouages sont moins bien vus qu'ici. Aussi, tout dépend beaucoup maintenant de l'histoire que tu as à raconter. C'est con à dire, mais un artiste, c'est pas juste un disque, c'est le produit en entier, c'est ce que tu dégages, comment tu es en concert, comment tu es en entrevue... S'il te manque un truc, c'est stupide, mais ça ne marche pas.»

Le site Web du magazine français Les Inrockuptibles racontait d'ailleurs en mai, sous la plume de Thomas Burgel, que la musicienne corsaire «est un personnage complexe, ambivalent, nuancé». Un propos qui épouse celui de Catherine Pogonat. «Elle a cette gueule qui va bien avec ses textes, un côté rock et aussi angélique, une façon de parler de ce qu'elle fait très candide, mais avec une réflexion, une démarche.»

Médias, Taratata, et tout le tralala
Pour André Péloquin, la maison de disques de Coeur de pirate, Grosse Boîte -- la petite soeur de l'étiquette Dare to Care, qui chapeaute Malajube --, n'est pas étrangère à son succès québécois. «Ils ont une espèce de pouvoir magnétique. C'est un label qui a gardé un côté edgy, même s'il collabore maintenant avec des artistes comme Jean Leloup, par exemple. Y'a vraiment une espèce d'aura qui entoure Grosse Boîte qui fait que ce qu'ils lancent est suivi» par les médias.

Radio-Canada et Artv ont également donné un gros coup de pouce à Coeur de pirate. «J'étais très fière d'avoir fait Mange ta ville, raconte Béatrice Martin. Pour moi, ça voulait dire que j'avais monté en grade. D'avoir fait Studio 12 avec Ariane Moffatt, ç'a été aussi très touchant. Radio-Canada m'a aussi choisie parmi ses révélations; ça m'a vraiment donné un coup de pouce.»

Avec les médias européens, Coeur de pirate s'est fait coeur d'artichaut, donnant une feuille à tout le monde. Son duo avec la vedette Julien Doré -- qui sera aux FrancoFolies les 7 et 8 août -- n'aura pas nui, mais c'est son passage à l'émission Taratata qui aura vraiment propulsé Martin. «J'ai vu le boost. Après, je jouais dans toutes les radios, je me faisais reconnaître dans le fin fond de la Normandie!»

Béatrice Martin a encore plusieurs dates de concerts devant elle, en Europe et au Québec, mais pense déjà à la suite des choses. «Je n'arrête pas de composer! Mais je vais faire mon deuxième disque autrement, je sais davantage ou je m'en vais.»

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En concert du 30 juillet au 2 août à l'Astral
www.coeurdepirate.com