Décidément, Karlof Galovsky a un sens inné pour les affaires. Quelques mois après s'être remis sur la carte avec une compilation de «ses plus belles mélodies, volume 1», le quasi-trentenaire offre à la plèbe québécoise Motadine, le plus récent fruit de ses élucubrations cérébrales.
Philippe Papineau
On croyait que Karlof Galovsky serait éternellement gamin, qu'il jouerait la star anticommerciale jusqu'à sa mort. Mais pendant l'enregistrement de son troisième et plus récent album, Motadine, le sympathique personnage a subi un choc, et tout un: la crise de la trentaine. Quoiqu'il n'ait encore que 29 ans, cette dure épreuve -- toujours en cours, paraît-il -- a fait revenir notre homme sur terre.
«Quand j'ai lancé mon premier album, j'étais très naïf, je croyais que ça allait avoir un succès phénoménal. C'était comme une crise d'adolescence qui ne finissait plus. Là, entre le premier jour de préproduction et le dernier jour de postproduction de Motadine, j'ai vu arriver la trentaine, et ça m'a donné un dur coup, avoue Karlof. Ce que je fais est toujours bien reçu, mais il n'y a pas de diffusion. Alors, je me demande jusqu'à quel point je dois m'obstiner. J'écoute Aznavour, puis je me dis que je devrais arrêter d'écrire!»
Karlof précise tout de même que ces remises en question, l'auditeur les percevra à peine. «Il y a des parties de chaque chanson qui sont imprégnées de ça, mais c'est la même approche, le même univers, explique le guitariste. C'est une émotion personnelle qui ne s'est pas nécessairement rendue aux auditeurs. Sauf peut-être dans la pièce Maison.» Pour Karlof, la «maison» est une parabole du monde du show-business, ici empreinte de doutes: «J'eus un jour la prétention de vouloir faire de la rénovation / Qu'est-ce que je connais à la construction, moi qui n'ai ni toit ni maison?»
Patrimoine
Après avoir nommé ses deux premiers disques Fuck'n'Shit Baby Love et Fuzzy Trash Pop, le simple Motadine semble faire bien pâle figure. Et pourtant... «C'est un hommage à mon grand-père, qui faisait tout pour ne pas sacrer en disant des "motadine" et des "ciboulot". C'est le reflet de ce que j'ai essayé de faire sur cet album: être cru, mais de façon polie, dit Karlof. Je trouve que ça fait aussi partie du patrimoine, le joual que parlaient nos grands-parents. J'ai l'impression que ça pourrait disparaître, et ça me touche.»
À propos de famille, Karlof vient de remporter le concours des Francouvertes avec le groupe Ma blonde est une chanteuse, la formation de sa copine Annie Chartrand, qui chante aussi sur Motadine. «Durant mes spectacles, j'ai pas le temps de tripper avec le groupe. Mais quand je joue avec Annie, je deviens simple guitariste, j'ai le temps de voir ma blonde chanter, d'écouter le band.» C'est peut-être la sagesse qui s'empare du quasi-trentenaire...
Quand on dit à Karlof que son dernier effort nous a paru plus léché que ses précédents, il fait la moue. «Je ne suis pas prêt à dire que je me suis plus appliqué, que c'est l'album de la maturité, dit le chanteur en roulant des yeux. Mais comme c'est peut-être le dernier disque que je vais faire -- je ne sais pas encore --, je l'ai fait pour me faire plaisir.» Pourtant, Galovsky dit avoir déjà assez de matériel pour pondre un nouvel oeuf d'ici peu. «Si j'ai le temps et que mon producteur ne fait pas faillite, on va peut-être en faire un autre. On ne sait jamais.»
Merci à Jacques Grenier pour la photo!