dimanche, avril 15, 2007

Benoit Paradis: du trombone pas monotone

S'il avait séduit l'an passé lors de son passage aux Francouvertes avec ses chansons folles et son univers décalé et théâtral, le chanteur et tromboniste Benoit Paradis surprend cette année avec un premier album de chansons à saveur jazz, enregistré en trio avec les moyens du bord.
En entretien téléphonique le jour du lancement de son disque, Benoit Paradis avoue manquer de temps. C'est qu'en plus de la chanson, le Montréalais de 27 ans jongle avec plusieurs métiers, tous liés à la scène, dont celui de comédien. «Là, je finis ma répétition pour Ubu Roi [jouée au TNM], je file au Lion d'Or pour le test de son, je prends une douche, je me rase, et puis je saute sur la scène...»
Avec ce premier disque, justement intitulé Introduction, celui qu'on compare souvent à Damien Robitaille ou à Urbain Desbois a voulu faire ses classes, sans brûler les étapes, avec une rare humilité. «Sur l'album, il y a un rapport à la responsabilité, au fait de devenir un adulte. C'est un disque qui m'amène vers quelque chose d'autre. J'essaie d'exorciser quelques pensées qui me tournent dans la tête depuis longtemps.» Un album pour apprendre, pour faire table rase et pour ensuite plonger tête première dans la chanson.


Comme dans un salon
Il faut être clair: les pièces d'Introduction n'ont rien à voir avec les versions enregistrées lors de son passage au Festival en chanson de Petite-Vallée, en 2004. Exit le gros band, bienvenue le trio jazz. Benoit Paradis s'y est entouré de la pianiste Chantale Morin et du contrebassiste Benoit Coulombe. «Une chose qui était bien importante pour moi, c'était de faire un disque avec pas de drum. J'avais envie de quelque chose de chaleureux, un peu comme ce que Gainsbourg a fait avec Confidentiel, juste avec une contrebasse et une guitare.»
Même si les coûts de production d'un disque tendent à diminuer avec les technologies numériques, Paradis a quand même dû se débrouiller avec peu de sous. «J'ai eu une bourse du Conseil des arts pour écrire les chansons, sinon, le restant, c'est toutte de l'amour, rigole le touche-à-tout. C'est grâce aux amis. J'ai aussi enregistré sur le piano de ma mère, avec mon propre quatre-pistes. Mais c'est une contrainte qui, au fond, ne me contraignait pas. Je voulais que ça sonne [comme dans] la maison, le salon.»
Au centre de la démarche de Paradis, il y a la notion d'interprétation. «Je rêvais de faire un disque, mais ce que je veux dans la vie, c'est être sur scène.» Et il faut avouer qu'il y est à l'aise. Jouant avec l'absurde, son personnage est un peu malhabile et timide, gentiment fêlé et attachant. Quand il chante les cocasses Le Trombone et La Pastille, on embarque, on aime, on claque des doigts avec lui, on rigole. Quand il chante L'Oubli, de Michel Rivard, ou Tu te lèveras tôt, de Félix Leclerc, on est rassuré qu'il soit possible de reprendre de grandes oeuvres sans les dénaturer, contrairement à ce que les jeunes académiciens de télé-réalité ont tendance à faire.
«En spectacle, je fais beaucoup de reprises, c'est presque du moitié-moitié. Avant, les chanteurs n'étaient souvent qu'interprètes, ils ne faisaient presque pas de leurs propres chansons. Et puis... il y a aussi que j'ai pas tant de chansons que ça!, avoue-t-il en riant. Je suis un débutant, j'ai pas un gros répertoire.» Gros répertoire ou pas, cette petite Introduction laisse présager de grandes choses. À découvrir le 15 avril à L'Escogriffe et le 28 mai au Verre Bouteille.

Philippe Papineau
Paru dans Le Devoir du 6 avril 2007

***
Introduction
Benoit Paradis Trio
Local Distribution