dimanche, octobre 07, 2007

Le Husky: les morsures d'un écorché vif

On le croise régulièrement, la tuque toujours bien vissée sur la tête, aux lancements de ses amis, aux concerts des groupes hébergés par Dare to Care (Malajube, Avec pas d'casque), la maison mère de son étiquette Grosse Boîte (Tricot Machine). Fébrile comme un chien de traîneau. Près de deux ans après la parution d'un démo qui a joué abondamment sur les ondes des radios alternatives, Yannick Duguay, alias Le Husky, peut finalement prendre son élan, lui qui lançait plus tôt cette semaine son premier album, Chanson moderne pour cyniques romantiques.


Le titre de ce premier effort en dit long sur le personnage du Husky. Complexe, difficile à cerner. Un peu contradictoire, et définitivement sombre. Parfait, les gens qui entrent dans les boîtes préfabriquées, très peu pour nous. Mais si Le Husky a un style musical bien à lui -- une pop sophistiquée et accrocheuse qui lie des sons plus rétro à une ambiance actuelle --, il gravite tout de même autour d'un noyau de musiciens qui rassemble les Navet confit, Alexandre Champigny, Télémaque et autres Mahjor Bidet.
«Il y a trois ou quatre ans, j'avais l'impression qu'il y avait un trou béant dans la musique, qu'il n'y avait rien entre la pop bonbon et le punk rock, raconte Yannick Duguay, 33 ans. J'ai même pensé déménager en France pour faire de la musique là-bas. Au même moment, il y a Malajube qui a rejoint une grande foule avec un son plus recherché, et ça a ouvert les portes pour les autres.» Et ils sont aujourd'hui de plus en plus nombreux à en profiter.

Issu du milieu des arts visuels, Le Husky est passé dans les dernières années de peintre à concepteur de vidéos d'art, puis à créateur de bandes son pour le théâtre. C'est là qu'il a commencé son exploration musicale. «Je suis un grand fan de musique pop, sous toutes ses formes», explique Duguay, qui cite entre autres comme influences passés et présentes The Cure, Dépêche Mode, Nirvana, Portishead et les grands de la chanson française, Brel en tête de liste. «Mais ce qui me fascine, ce sont les orgues, les vieux claviers. J'aime beaucoup ce que fait Angelo Badalamenti, qui fait les musiques des films de David Lynch; d'un côté ça nous rend mal à l'aise, mais ça reste très fort mélodiquement.»

Sombre Québec
Si, musicalement, Le Husky a le potentiel pour plaire au plus grand nombre, ses paroles sombres, empreintes d'un chagrin, d'une mélancolie très prenante, pourraient en agacer quelques-uns. Duguay le sait, mais assume pleinement son côté écorché vif. «L'idée avec Chanson moderne pour cyniques romantiques, c'était de faire un polaroïd d'une époque de ma vie où j'étais profondément triste, dépressif. J'avais un mal de vivre intense. Alors je me suis nourri de ça, je n'ai pas honte d'en parler, même si c'est un des plus gros tabous au Québec.»

Les Québécois ont peur d'entendre parler de malheur? «À la base, je ne parlais que de moi dans ces chansons, mais ça fait écho à quelque chose de plus grand. Au Québec, on n'aime pas ça la dépression, on a choisi d'occulter la douleur par le rire, on est dans une société de comiques. Ici, les gens préfèrent payer 40 $ pour aller voir un humoriste qui leur fait oublier qu'ils sont malheureux pendant une heure et demie.» En pleine campagne gouvernementale contre les préjugés par rapport à la dépression et quelques jours après la sortie du film de Paul Arcand sur la surmédicalisation, on peut dire que le disque du Husky arrive à point.

De Chanson moderne..., principalement enregistrée de nuit, il transpire une mélancolie, une nostalgie, autant dans les textes que dans l'aspect visuel de l'album. Peut-être parce que, gamin, son auteur a été mordu par un chien -- d'où le nom Le Husky --, Yannick Duguay avoue être fasciné par l'enfance. «Le principe du Husky, c'est un peu ça. Cette morsure, c'est la coupure entre la jeunesse idéalisée et une adolescence pas toujours facile.»

Rassurez-vous, Duguay a le moral ces jours-ci, maintenant que son album est dans les bacs des disquaires de la province. Avec ses musiciens Simon Landry (Béluga), Julie Brunet (Carl-Éric Hudon), Éric Patenaude (Télémaque), Joseph Perreault (Pawa Up First) et Mathieu Dumontier (Kiss Me Deadly), ils préparent les concerts à venir. Pour l'instant, deux spectacles à Montréal sont à l'horaire pour l'écorché vif et sa bande, soit le 7 novembre au Cabaret du Musée juste pour rire et le 13 novembre au Cégep du Vieux-Montréal.

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Chanson moderne pour cyniques romantiques, Le Husky, Grosse Boîte, http://www.lehusky.com/ -- Photo du lancement chipée à Doudou, merci.