Si Monsieur Mono a lancé son disque Petite musique de pluie juste à temps pour la Saint-Valentin, pourquoi le quintette rock Chocolat ne pourrait-il pas vous offrir son tout premier album complet à peine une semaine avant Pâques? Y a pas de raison!
Après la parution, en 2007, d'un EP très remarqué, voilà que Chocolat lance Piano élégant, qui marque un évident virage sonore pour la formation. Son rock de garage assez trash, aux claviers bien gras, immatriculé dans les années 1960 et chanté en français, a changé d'allure. En gardant un fond rock, le chanteur Jimmy Hunt et sa bande (Ysaël Pépin, Dale MacDonald, Martin Chouinard et Guillaume Éthier) ont laissé une grande place aux influences de la chanson française et à celles du folk-rock américain. Xylophone, cordes et piano enjolivent le tout. Bref, Chocolat change de veste, à défaut de la retourner.
«Je voulais sortir du brouillon et des lambeaux du garage», avoue Hunt au bout du fil. L'objectif: nettoyer le son de Chocolat, le rendre moins brut sans tomber dans la recette pop. Pas pour rien que ce disque s'appelle Piano élégant! «J'ai beaucoup écouté la chanson des années 60 et 70, qui est très versée dans le romantisme, mais avec un petit côté incisif. Je voulais ça, une plus grande prudence, mais qui cache quelque chose de malveillant!»
On trouve d'ailleurs sur Piano élégant de multiples références à cette chanson. Par exemple, on y entend le nom de Juliette Gréco, et une des pièces est même intitulée Jean Ferrat! «C'est pas parce que j'aime sa musique, je le trouve ennuyant à mort, rigole Jimmy Hunt. Mais j'aime son approche. Il était un peu communiste, il chantait la misère et l'amour.» Pour la musique de ce même morceau, Hunt avoue s'être inspiré du groove un tantinet sexy de L'Anamour de Serge Gainsbourg. «Quand j'étais encore adolescent, à une époque où il était un peu oublié, j'avais trouvé son oeuvre intégrale pour 20 $. J'ai trippé sur ça pendant plusieurs années, c'est d'ailleurs lui qui m'a donné le goût de chanter en français», avoue Hunt, un Québécois francophone aux racines écossaises.
C'est sur les pièces où Chocolat montre les dents, par exemple Sois belle ou Comme un chien, qu'on sent davantage l'influence de la musique américaine. Jimmy Hunt, qui a déjà une dizaine d'années d'expérience derrière la cravate en groupe ou en one-man band, avoue aussi avoir consommé sa part de Bob Dylan. «L'idée derrière tout ça, c'était de mélanger la culture plus européenne avec la musique américaine, explique-t-il. En fait, le Québec, c'est ça. Notre langue en Amérique, c'est un peu spécial. Je pense que c'est très québécois d'aborder la musique de cette façon-là.»
Sur le premier EP comme sur ce Piano élégant, le thème central de la plupart des chansons reste le beau sexe; encore une fois, Gainsbourg n'est pas très loin. Des sept premières chansons du groupe, quatre portaient même un nom de fille. Sur la dernière parution, on compte un seul prénom, Albertine, mais les textes ne tournent pas moins autour de la thématique féminine.
Obsédé, Chocolat? «J'utilise l'histoire d'amour comme un médium de langage, précise le chanteur. La façon la plus aisée que j'ai d'écrire des chansons, c'est sous forme de dialogue, où je parle à quelqu'un. Et comme les textes politisés et moralistes ne m'intéressent pas, il reste les filles pour créer une certaine poétique. Après ça, il se cache beaucoup d'autres choses dans les textes, toute une perception de la réalité.»
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Piano élégant
Chocolat
Grosse Boîte