vendredi, mars 28, 2008

Le fruit d'une heure sept minutes d'entrevue avec Bonjour Brumaire:


























Totalement inconnue et même inexistante il y a une quinzaine de mois, la formation pop-rock montréalaise Bonjour Brumaire connaît une ascension impressionnante, elle dont le disque De la nature des foules, réalisé par leur ami Ryan Battistuzzi (Malajube, Les Breastfeeders, We Are Wolves), est le plus récent épisode.

Rapidement porté aux nues par plusieurs blogues et les radios alternatives, le quintet, qui rassemble un chanteur français, un guitariste et un bassiste anglo-québécois ainsi qu'une claviériste et un batteur franco-québécois, n'a pas brûlé d'étapes. Mais la bande, qui peut faire penser à un mélange improbable entre The Editors, Xavier Caféïne, Dominique A et Benjamin Biolay, a grimpé la côte escarpée avec une agilité désarmante.

Attablé avec son ami et guitariste Nathan Howard, le parolier et chanteur Youri Zaragoza nous rappelle le calendrier «brumairien». «On a commencé en janvier 2007, puis il y a eu le démo en mars, le premier show en juin, Osheaga en août, le contrat de disque en septembre, la préproduction en octobre, le studio en novembre, le lancement le 1er avril, les Francouvertes qui s'en viennent... »

Nathan, à l'accent anglo, et Youri, à l'accent parisien, bavardent avec passion depuis déjà près d'une heure. Devant leur thé maintenant froid, ils répondent eux-mêmes aux questions avant que celles-ci ne soient posées, discutent réalisation, studio, industrie musicale, écriture, anthropologie. Les propos fusent de partout, parfois légers, parfois profonds, toujours intelligents, sans que la discussion se perde dans le brouillard. À l'image de leur musique.

De l'importance du dosage
Au fil de l'entretien, on se rend compte que Bonjour Brumaire s'est beaucoup soucié de la notion de dosage dans son processus créatif. Comme l'équilibre qu'il a recherché entre la forte influence de la musique pop et celle, plus en arrière-plan, d'une approche progressive. «On est tous des fans de pop, on a écouté la radio en long, en large et en travers. Et on a voulu jouer avec ça, avec les structures prévisibles, s'en moquer un peu.» S'en moquer? Nathan précise. «L'idée n'est pas de renier la pop, mais d'être conscient de celle-ci, de comprendre que le public aussi est conscient de la pop, et ensuite de jouer avec cette relation. Là où l'auditeur s'attend à un double chorus, on arrive avec un bridge en 5/4 avec un rythme de salsa!»

Bonjour Brumaire montre le même souci de dosage du côté des textes. Pour De la nature des foules, c'était la première fois que Zaragoza écrivait ses chansons en français, après avoir créé dans la langue de Shakespeare avec son ancien projet Federal. «Au début, il se plaisait trop à faire des images abstraites qui ne faisaient du sens que pour lui, raconte Nathan pendant que Youri approuve de la tête. Maintenant, il écrit de façon plus lucide. Il a mieux réussi à gérer les aspects artistiques et de communication.»

Chaque chanson de ce premier effort, à paraître mardi sur étiquette Indica, se veut comme une petite analyse sociologique. «Je me vois comme un observateur, raconte Youri. C'est un peu voyeur des fois. J'ai toujours mon carnet dans mon sac et je note des trucs que j'entends dans le métro, dans le bus, dans le taxi. Il y a même plusieurs phrases de l'album qui sont tirées de ces moments-là.»

Nathan, qui écoute attentivement de son côté de la table, conclut en creusant un peu plus. «En matière de philosophie d'anthropologie, ce qui m'a toujours agacé, c'est l'idée qu'on peut observer sans changer, sans perturber, dit-il au chanteur. Je pense que, pour le prochain disque, tu devrais faire De la nature de Youri!»

***
Paru dans Le Devoir du 28 mars 2008