jeudi, juillet 31, 2008

Camille - Sauvez mon âme
























Révélée au Québec par son deuxième album, Le Fil, la Française Camille, ovni survolté de la chanson hexagonale, arrive pour défendre Music Hole, son dernier opus baignant dans la langue de Shakespeare, où l'exploration sonore est poussée encore plus loin.

Pour les nombreux amateurs du Fil, Music Hole peut surprendre et déstabiliser. Des chansons douces chuchotées autour d'un bourdon sonore qui berçait tout l'album, Camille est passée à un bruitisme corporel plus extrême, au ton presque animal, habillé de gospel. «J'ai l'impression que c'est un album plus extraverti, moins introspectif, concède la trentenaire. Je pense que plus on va vers les autres, plus on descend en soi.»

Camille a donc voulu sonder plus profondément la rythmique, en superposant les couches de basses et de percussions. Et à force de creuser en elle, sa musique est devenue plus «primale». «On est des animaux, on a une voix qui module, résume-t-elle. Mais à la base, la voix, c'est un cri de ralliement, c'est lié à l'instinct de survie, à quelque chose de très viscéral. J'ai plus creusé ça, en gardant le côté chanson, le coté plus culturel.»

Dès le premier titre de Music Hole, Gospel with no Lord, on comprend sa nouvelle direction. Le gospel, justement, se trouve sur tout l'album. «C'est une des seules musiques religieuses qui soient encore présentes dans la pop, qui est plutôt désacralisée, explique Camille. C'est une musique qui célèbre ce qui nous dépasse et qui en même temps est très reliée au corps. Finalement, ce qui est intéressant dans le gospel, c'est cette connexion entre le corps et le collectif, plutôt que la tradition pure gospel afro-américaine.»

Tracas de quotas
Si ces virages sonores ont saisi quelque peu les fans de Camille, c'est beaucoup plus le fait qu'elle chante maintenant beaucoup en anglais qui lui cause quelques tracas avec l'industrie musicale. «Je me heurte à un problème culturel», déplore-t-elle. Tout à coup, elle se fait plus bavarde. «L'invasion anglo-saxone inquiète, c'est vrai, ça peut devenir un peu monolithique et menacer d'autres cultures. Mais je vois la culture anglo-saxone et européenne comme un tout, une richesse. Et là, je me heurte à un autre obstacle, qui est le nationalisme culturel.»

Les radios françaises rechignent à diffuser ses pièces, question de quotas francophones. Sa maison de disques lui a même proposé une version modifiée de son prochain extrait radio, où un couplet en anglais était retranché. «Ça leur permettait d'entrer dans les quotas... Je leur ai dit: ça va pas la tête? On se retrouve devant des aberrations artistiques.»

Camille peut tout de même reprendre toute sa liberté sur scène. Sur la scène du Métropolis, ce soir, elle sera entourée de huit autres personnes... mais d'un seul piano. Il y aura en fait deux beatboxers, qui font des bruits de bouche, trois personnes aux percussions corporelles, deux femmes choristes, un pianiste et la chanteuse. «Quand on travaille avec le corps, il faut gérer l'énergie des gens encore plus que d'habitude, il faut qu'elle soit coordonnée, explique Camille. C'est encore plus fin qu'avec des instruments. Avec les voix, avec les corps, on entend tout, on entend la fatigue, on entend la contrariété, la bonne ou la mauvaise humeur... on ne peut rien cacher.»

Celle qui a tourné longtemps à trois avoue que la gestion de toute cette troupe est complexe. «C'est un grand changement de passer à un grand groupe. Je commence à apprendre là-dessus. How to manage a group? Il faudrait que je lise des livres américains... »

Camille est ce soir au Métropolis, 21h