samedi, mars 14, 2009

Misteur Valaire: tester le marché






Donner sa musique gratuitement sur Internet pour se faire connaître et pour remplir les salles de spectacles, voici le pari audacieux qu'a pris le quintette électro-jazz sherbrookois Misteur Valaire. Un an et demi et 30 000 téléchargements plus tard, le groupe s'offre pour une troisième fois le Club Soda, ce soir, et lance ses disques en version physique chez les disquaires.

Composé de cinq véritables tripeux de musique, tous âgés de 22 ans, Misteur Valaire est parmi les rares formations à être assez audacieuses -- ou insouciantes! -- pour donner sans compter sa musique à qui veut bien la télécharger. Déjà disponibles en spectacles, leurs deux disques feront désormais leur apparition en format physique chez les disquaires du pays, la preuve que le modèle de l'industrie musicale n'a pas fini d'être ébranlé.

En septembre 2007, avant Radiohead, Nine Inch Nails et compagnie, le groupe jazz à forte saveur électro a donc mis en ligne la totalité de son disque Friterday Night. Gratuitement. Cliquez et téléchargez tous, ceci est mon disque livré pour vous. Alors pratiquement inconnus de la scène musicale, les Sherbrookois de Misteur Valaire ont fait leur chemin petit à petit sur la Toile, profitant du bouche-à-oreille. «Au début, ça circulait surtout entre nos amis, puis nos fans ont agi activement pour propager la bonne nouvelle du téléchargement, rigole le percussionniste du groupe, Luis Clavis. Ici, c'est le fan qui agit en tant qu'ambassadeur, et ça a fait son chemin tout seul, c'est ça qui est magique de l'aspect viral du Web.»

Résultat: Misteur Valaire a vu 30 000 internautes prendre quelques secondes pour enregistrer Friterday Night sur leur disque dur. L'impact a été direct, assure Luis. Les billets de concert se sont très bien vendus, de même que les produits dérivés. Sans compter que le public présent aux concerts repartait souvent avec une copie physique du disque, à la surprise du quintette.

Une voie pour l'industrie
Voilà donc que le groupe, dont la musique a des allures similaires avec celle d'Erik Truffaz ou de Nils Petter Molvaer, s'est entendu avec le distributeur canadien Outside Music pour garnir les tablettes des disquaires de copies de Friterday Night et de son discret prédécesseur, intitulé Mr Brian. Et ce, fait surprenant, en gardant l'album en téléchargement libre. «Je pense que c'est une première chez Outside, et si je me fie aux autres distributeurs, y' a pas grand-monde qui accepterait de laisser un album complet et gratuit en ligne alors qu'il est en vente en magasin, explique Luis, emballé. Ça va être une sacrée belle étude de marché, ça va être une bonne façon de vérifier si le téléchargement gratuit aide à vendre des albums, ou si ça nuit.»

Il est vrai qu'en ce moment, à une époque où toute la musique se trouve en un tour de clic sur Internet -- légalement ou pas --, le modèle classique de l'industrie de la musique se voit forcé de s'adapter, de se transformer. Mais aussi partisan de la musique gratuite que soit Misteur Valaire, le groupe croit donc quand même au disque, à une sorte de modèle hybride. «Il y a encore beaucoup de gens qui apprécient l'objet du disque. Je suis le premier à télécharger des albums et à aller les acheter par la suite parce que je les aime, parce que je veux les avoir dans mes mains, les déballer et feuilleter les livrets, assure Luis. Et il y en a aussi qui ne sont simplement pas familiers avec le téléchargement, ou qui n'aiment pas acheter avec leur carte de crédit en ligne.»

Pour les jeunes loups de Misteur Valaire, les profits passent donc pas mal par les spectacles. Et l'impact des 30 000 téléchargements se fait bien sentir au moment de vendre des billets. «Il y a plus de gens qui se déplacent, et comme les gens connaissent notre musique déjà, ça ajoute à la qualité des spectacles, les shows lèvent plus.»

Ce soir, le quintette s'offre une des grosses salles de la métropole, le Club Soda, et ce, pour une troisième fois, après y être monté lors du Coup de coeur francophone et du Festival international de Jazz. «Là, on travaille pour sortir au moins une grosse nouvelle toune pour le Club Soda, explique Luis. On trouve ça important que le show prenne une nouvelle dimension chaque fois qu'on revient à Montréal. On essaie d'évoluer côté musique et mise en scène.» Vraiment, le statu quo, très peu pour Misteur Valaire.

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-Ce soir au Club Soda, 21h, 23,75 $ à la porte
- 11 avril au Théâtre Granada, à Sherbrooke
- 17 avril au Cercle, à Québec

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Téléchargez Friterday Night au http://www.misteurvalaire.ca/