mercredi, décembre 23, 2009

Top 10 des disques émergents québécois

Paradoxe: s’il se vend moins de disques au Québec, la production musicale ne ralentit pas, même chez les plus petits joueurs, ce qui ne facilite pas la tâche lors des palmarès de fin d’année. D'autant plus qu'on met de côté ce qu’on pourrait appeler la classe moyenne, comme Mara Tremblay, Patrick Watson, Paul Cargnello, Yann Perreau ou Les Trois Accords, qui restent alternatifs tout en étant pas mal "émergé". Une réflexion, en 2009, le top 5 des meilleurs disques émergents du Québec en est un marqué par les découvertes et par le retour à une chanson à la fois classique et moderne. Pour le journal, il fallait en choisir 5, pour vous, j'en mets 10, à déposer sous le sapin du mélomane aimé.


1. Bernard Adamus, Brun
C’est le coup de cœur de l’année, du folk bien brut avec quelques planches mal équarries, aux accents blues et presque hip-hop par moment. Adamus nous ramène à Plume et aux Colocs, à une sensibilité à hauteur d’homme, avec des préoccupations et un langage propres au commun des ours (mal léchés). Non, ce n’est pas révolutionnaire, mais à une époque où plusieurs artistes et un large public se vautrent sans soucis dans les reprises insignifiantes et les duos insipides, Bernard Adamus fait office de champion de l’authentique. Chapeau, monsieur.


2. Malajube, Labyrinthes
Ce troisième disque du quatuor indie-rock est leur plus audacieux, loin de l’efficacité de Trompe-l’œil. Même sur la durée, Labyrinthes se révèle très solide, peut-être justement parce qu’il n’est pas linéaire, parce qu’on peut s’y perdre, en sortir, y revenir, parce qu’il est déstabilisant. L’expérience est plus cérébrale que par le passé, mais certainement pas moins pertinente.


3. Fred Fortin, Plastrer la lune
Il n’y en a pas deux comme Fred Fortin, et surtout pas du côté des pâles interprètes de Star Académie. Le vétéran de la chanson rock est revenu sur Plastrer la lune à ses personnages, à des portraits attachants, comiques et émouvants racontés finement mais sans dentelles. Fortin y livre quelques bombes (Madame Rose, Le Cinéma des vieux garçons), mais aussi quelques pièces moins fortes, sur lesquelles il s’acharne étrangement pour sa promotion. Tendez l’oreille sur l’ensemble, vous ne serez pas déçus.

4. Marie-Pierre Arthur, Marie-Pierre Arthur
Musicienne depuis longtemps avec d’autres, Marie-Pierre Arthur a osé livrer cette année ses propres chansons, pour le grand plaisir de nos oreilles. Entourée d’une équipe tout-étoile (des gars de Karkwa et de Patrick Watson, entre autres), la Gaspésienne à la voix un brin nasillarde — à l’instar de son amie Mara Tremblay — a ciselé de belles pièces folk aux mélodies accrocheuses, encore solidement ancrées dans notre cerveau après plusieurs mois.

5. La Patère rose, La Patère rose
Vent de fraîcheur sur la pop d’ici, La Patère rose mêle une chanson piano-voix à une musique électronique pas agressante pour deux sous. Quelque part entre l’émouvant et le dansant, le trio mené par la charismatique chanteuse Fanny Grosjean n’est jamais loin de l’humour, et nous on s’amuse de bon cœur.

6. Chinatown, Cité d'or
Le groupe Chinatown, qui mélange l'esprit de Gainsbourg, les airs des Beatles et des mélodies cousines de génériques de dessins animés, réussit avec ce premier disque l'exploit funambulesque de faire du pop-rock haut de gamme. Les cinq musiciens ont bricolé avec un soin d'orfèvre des pièces hyper accrocheuses, avec juste ce qu'il faut de sirop pour ne pas écoeurer. Même votre mère va aimer ça.

7. Polipe, Tropiques du cancer
Le trio Polipe a mis pas mal de funk dans notre automne/hiver. Leur musique est entraînante, mélangeant le rock et le prog à des sonorités latines. Et aussi, ce n’est pas con du tout du côté des paroles, alors que les musiciens sont allés puiser dans leurs zones d'ombres.

8. Navet Confit, LP3 - Papier vampire
Le prolifique Navet Confit est revenu à la charge cette année avec un troisième album complet, où il a légèrement mis de côté l'exploration pour davantage travailler la concision, la précision. LP3 gagne donc en écoutabilité ce qu'il perd en audace, mais hé, comme il partait de très haut dans la foisonnance des idées, c'est pas si grave. Voici un disque qui prend son temps, qui grandit avec nous, avec des titres qui resteront dans un coin de cerveaux, comme Les Chansons et Plastique à la cerise.

9. Carl-Éric Hudon, Contre le tien Ananas Bongo Love
Autre soldat de l'équipe de La Confiserie (GSI) avec Polipe et Navet Confit, Carl-Éric Hudon a fait le parcours inverse de Navet cette année avec Contre le tien Ananas Bongo Love, où il a troqué ses mélodies folk simples pour des pièces plus tortueuses, aux textes complexes, aux structures audacieuses. Hudon n'y est pas opaque pour autant, et ça s'écoute fort bien avec un casque d'écoute. Mention spéciale pour le titre de l'album, le meilleur de l'année.

10. Lac Estion, Affranchi // Le Roi Poisson, Le Roi poisson
À choisir entre le disque du Roi Poisson et celui de Lac Estion, j'opte pour celui du groupe au mauvais jeu de mots, mais par très peu. Si les deux groupes doivent améliorer la qualité de leurs textes, Lac Estion a une longueur d'avance dans la structure des pièces. Affranchi est mieux ciselé, plus accrocheur, et trouve une plus grande résonnance dans mon oreille. Dans les deux cas, le prochain disque sera à surveiller, puisque les deux groupes cousins ont le talent pour prendre encore bien du galon.