dimanche, juillet 30, 2006

Entrevue - Vulgaires Machins: du pop-punk-rock à la première personne

Quatre années après avoir lancé son dernier album, Aimer le mal, le groupe punk-rock Vulgaires Machins revient enfin combler ses fans avec Compter les corps, une oeuvre engagée aux tendances pop et aux textes plus personnels que jamais. Rencontre avec les chanteurs et guitaristes Guillaume Beauregard et Marie-Ève Roy...
Sur fond de guitares électriques «distortionnées» mais léchées, Puits sans fond, le premier extrait du tout nouvel album de Vulgaires Machins, résume bien la nouvelle tangente prise par le quatuor : des textes coups-de-poing maintenant conjugués à la première personne. «J'veux rien savoir de la qualité, j'veux qu'y ait beaucoup de pages / J'collectionne les cahiers qui me parlent de ménage / J'me gave sans fin de faits divers jusqu'à l'indigestion [...] Je suis abonné au Journal de Montréal / Je suis comme un puits sans fond.» Assis avec sa collègue Marie-Éve Roy et le journaliste du Devoir dans un petit parc du boulevard Saint-Laurent, Guillaume Beauregard, qui écrit les textes des «Vulgaires», explique ce virage : «Après la pause de six mois qui a suivi la tournée d'Aimer le mal, je me suis demandé comment faire pour ne pas répéter ce qui avait déjà été fait. La réponse se trouvait dans la manière d'écrire. J'ai l'impression d'être allé plus loin dans l'engagement en le prenant d'un point de vue plus personnel que jamais.» Sur Compter les corps, Vulgaires Machins lance plusieurs flèches (aux médias, au «nouvel ordre mondial», aux hommes politiques), mais l'album est surtout un constat que le monde est un peu patraque. «J'avais le goût d'écrire des textes qui apportent plus au monde que juste le faire rire», explique Guillaume. Le groupe, qui a remporté un prix Miroir lors du dernier Festival d'été de Québec, s'en prend même aux gens de son propre «camp» : «Jeunesse de punks incorporés / en culture d'abondance de fond d'garde-robes / scander l'anarchie en symbole / et porter fièrement ton cliché du Che [...] Est-ce que c'est ça ta révolte ?» (Être un comme). «La musique engagée devient une mode, c'est un phénomène de plus en plus dogmatique», s'inquiète Guillaume.
La peur d'aller trop loin dans la dénonciation les inquiète-t-ils ? Marie-Ève veille au grain. «Je regarde tous les textes, surtout ceux que je chante, j'apporte des critiques, des corrections. Quand je sens que Guillaume est allé trop loin, je le dis. Il faut que tout le monde soit d'accord.» Les quatre membres sont donc d'accord avec Légaliser l'héroïne ? Oui, oui. Ah bon. «Les fans nous demandaient une pièce sur la légalisation du pot, mais c'est pas intéressant, affirme le chanteur. Je me suis dit qu'il était peut-être temps d'ouvrir le débat sur la prochaine étape. Évidemment, c'est une question qui comporte beaucoup de nuances et, si j'avais pu le faire, j'aurais écrit "décriminaliser l'héroïne"; mais ça ne se chante pas super bien ! On a beau essayer de combattre la drogue, le seul résultat, c'est qu'il y a toujours plus de junkies, plus de pouvoir pour les différentes mafias, et la victime, c'est toujours le dernier en bas de l'échelle, qui se pique avec je ne sais pas quelle cochonnerie...»
Avec Compter les corps, le groupe frappe donc plus fort du côté des textes mais prend un virage clairement pop au chapitre de la réalisation. En studio, il a travaillé avec Gus Van Go (The Stills, Priestess), l'ancien Me, Mom and Morgentaler, avec qui ils se sont entendus comme larrons en foire. «C'est devenu le cinquième membre du band, assure Marie-Ève. Il y croyait autant que nous.»
Ensemble, ils ont donc opté pour un son propre, où la voix est en avant-plan. «On n'a jamais voulu chercher un son dégueulasse pour se donner un style, on a tout le temps voulu travailler nos albums de façon hi-fi, précise Guillaume. Notre philosophie, ç'a toujours été pop, rock et punk. Ça, Gus l'a compris tout de suite.»

Par Philippe Papineau, paru dans Le Devoir du 28 juillet 2006