dimanche, juillet 20, 2008

Ami Karim, l'ami de l'autre



















On peut dire sans trop se tromper que l'intérêt pour le slam en terre québécoise est directement lié au travail du Français Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade. En plus d'avoir donné par la bande une crédibilité à la scène québécoise, le défrichage fait par l'homme à la voix supersonique permet aujourd'hui à d'autres de ses compatriotes de l'Hexagone de venir de ce côté de l'Atlantique. Le dernier débarqué s'appelle Ami Karim.

On vous parle d'abord de Grand Corps Malade, parce que c'est grâce à lui que nous avons vu Ami Karim pour la première fois. Lors de la dernière édition des FrancoFolies, le slameur à la béquille avait invité Karim Zaïdi - qu'il a rebaptisé «Ami» - pour un duo sur les planches de la Place des Arts. Presque un an plus tard, le bavard Français revient pour une tournée québécoise avec sous le manteau son premier album, Éclipse totale.

Assis à la terrasse d'un café, rue Sainte-Catherine, Ami Karim répond volontiers à toutes les questions à propos des inévitables comparaisons avec son bon copain Grand Corps Malade. Les deux sont de la banlieue parisienne de Saint-Denis. Les deux ont commencé dans des petits cafés, avant d'enregistrer avec une grosse maison de disques et de faire des spectacles. Ils interprètent même en duo Je t'ai croisé dans un de mes textes.

Ami Karim n'en fait vraisemblablement pas un cas, prenant le temps de déboulonner écrou par écrou les suppositions sous-jacentes à la discussion. D'abord l'écriture, tiens. «On n'écrit pas sur les mêmes sujets, on n'a pas la même vie, et on n'écrit pas du tout de la même façon, explique Ami Karim. Fabien, c'est un vrai technicien des mots, il les découpe, les décortique, alors que moi, je raconte des histoires. J'écris mes textes comme un scénario, avec un début, un milieu et une fin. Je suis moins dans la technique que dans la narration.»

Sur Éclipse totale, le fils d'une mère française et d'un père algérien raconte au «je» et au «on» son quotidien en mouvement, tout en tutoyant parfois l'auditeur. Par exemple, sur la pièce De l'autre côté du périphérique, il dessine dans le détail un voyage guidé dans sa banlieue. «Tiens, t'as l'regard soudain moins dur, et t'es moins crispé sur l'volant / Ça m'rassure de t'voir attentif aux vérités cachées sous le ciment / Y'en a pas un qu'a la vie belle ni qui croit aux beaux lendemains / Mais te fie pas aux racontars, ici y'a pas que des requins.»

«Pour parler aux gens, il ne faut pas les agresser, il ne faut pas qu'ils aient l'impression que tu les culpabilises, explique Ami Karim. Et après, ces textes sont une sorte de provocation de débat. Ça, ça m'intéresse vraiment.»

Des airs pas si similaires
Revenons au jeu de la comparaison. Sur huit de la quinzaine de textes de son album, Ami Karim a fait appel à son ami musicien S Petit Nico, connu pour avoir travaillé avec... Grand Corps Malade. «Sincèrement, le travail qu'il a fait avec mon album n'a rien à voir avec le premier album de Fabien. Mais il n'a pas fait tout l'album, car je voulais d'autres ambiances.»

Et c'est là où il se fait le plus unique. Sur quatre titres, il a demandé aux compositeurs Franck Hédin et Nathalie Loriot des sonorités plus soul, plus funk. «Mon père m'a fait grandir avec Otis Redding, Marvin Gaye, Ben E. King... Pour moi c'était évident qu'il me fallait ces sons.»
Ami Karim monte sur scène avec trois musiciens, soit une batteuse, un claviériste, et un guitariste et bassiste. Le slameur alterne entre texte a cappella et pièce jouée. Il y présentera les pièces d'Éclipse totale ainsi que quelques nouveautés.

Le Français est en plein coeur d'un séjour au Québec, un voyage qu'il attendait avec impatience -- «je cochais les cases sur mon calendrier depuis un mois et demi!» -- et qui le mènera aux FrancoFolies de Montréal le 24 et le 25 juillet, au 400e de Québec le lendemain, puis au Café Culturel de la Chasse-Galerie à Lavaltrie le 27 juillet avant d'être sous les projecteurs du Théâtre Granada à Sherbrooke le 29 juillet.

Il ne tarit d'ailleurs pas d'éloges pour le public d'ici. «À Québec, pendant le Festival d'été, il y avait une tempête de pluie pas possible, et les gens sont quand même restés au concert. En France, Elvis Presley serait venu jouer sous ce temps, et le public serait parti!»